Questions de la MAP du 27
novembre

1- Quel état des lieux faites-vous de la filière de l’agriculture biologique au niveau de la région de Rabat-Salé-Kénitra ?
La région de Rabat-Salé-Kénitra est connue pour son sol fertile et la relative disponibilité en eau d’irrigation. Elle est caractérisée aussi par ses opérateurs entreprenants et dynamiques, et reconnue en tant que bassin de consommation, avec d’importantes populations. Les producteurs bio sont bien présents dans la région avec des surfaces conséquentes; les fermes certifiées se comptent en dizaines ou centaines d’ha, en nombre. La surface bio totale dans la région était de 1684 ha en 2019 (année de référence) et les ambitions du contrat programme de la Filière biologique sont d’atteindre les 14 100 ha en 2030, la 3ème du pays. Les cultures sont très diversifiées actuellement, maraîchage, arbres fruitiers, fruits rouges, caroubiers, cannes à sucre, oliviers, etc.
Les transformateurs (entreprises et coopératives) sont dynamiques sur des produits de grande consommation, sucre, semoule, jus de fruits, dérivés de l’argan et des PAM. Il faut rappeler bien sûr que cette région est réputée en termes d’élevage et de spiruline bio. L’exportation des produits se distingue également. Au sein de l’interprofession, nous pensons que cette région va être parmi les plus résistantes à la sécheresse qui sévit actuellement et elle développe des projets innovants, se basant notamment sur les multiples universités, instituts
2-Quels sont les principaux défis auxquels fait face cette filière, notamment, au niveau de la région ?
Au-delà des défis auxquels fait face l’agriculture en général, la filière biologique de la région a besoin de techniciens et de manœuvres spécialisés dans la production bio. Des efforts ont été engagés dans ce sens par la Direction de l’Enseignement et de la Formation (DEFR), en partenariat avec l’interprofession Maroc Bio et diverses associations locales. Les institutions de Formation supérieures ont également des projets de cycles spécialisés pour répondre aux besoins en cadres, managers et créateurs d’entreprises, dans le secteur. Il devient essentiel aujourd’hui de coordonner les différentes initiatives pour réussir la stratégie intégrée, telle que formulée dans le contrat programme 2023-2030.
Les subventions à la conversion et à l’ha sont attendues et on espère qu’elles soient mises en place par le ministère de tutelle avec toutes les mesures adaptées pour Faciliter leur octroi aux agriculteurs et aux éleveurs. Nous avons invité par ailleurs les directions régionales de l’agriculture à accompagner activement les associations régionales de l’interprofession pour que la politique Génération Green soit déclinée vers les opérateurs de chaque région, en particulier en cette période difficile qui appelle le public et le privé à un maximum d’interventions concertées. En l’occurence, dans la région de Rabat-Sale-Kenitra, le Président de l’association Fodil Cherif et ses collègues sont très attentifs à ces questions.
3- Notez-vous un intérêt de la part des consommateurs à ce type d’alimentation? Si oui, comment l’expliquez vous?
Il y a un besoin certain de communiquer et de sensibiliser encore et toujours les citoyens vers ces produits certifiés, garanties sans produits chimiques, respectant la santé des consommateurs et l’environnement. Un travail sérieux est fait par l’interprofession dans ce sens. Les besoins de rendre les produits bio les plus disponibles possibles sur les marchés se font sentir avec acuité et les modèles actuels (grandes surface GMS avec des produits bio et magasins spécialisés) sont en train de se développer. Parallèlement, notre interprofession a initié des réflexions pour accompagner un réseau national privé de petits magasins bio, susceptible d’absorber les productions made in Morocco, notamment une bonne partie des 100 000 ha d’agriculture prévus en 2030.
4-Comment envisagez-vous le futur de cette filière et comment évaluez-vous les initiatives gouvernementales dans ce sens?
On a observé ces dernières années un ralentissement de l’élan qui avait été donné à la Filière depuis une dizaine d’années. Le prix du bio, considéré cher par le marché en cette période difficile pour beaucoup, n’y est pas étranger. La confusion entre les labels qui se sont multipliés récemment contribue également à parasiter le marché. Nous considérons que le gouvernement devrait intervenir pour mettre de l’ordre dans les labels, particulièrement pour préserver les labels qui sont basées sur des textes réglementaires officiels.
Nous pensons aussi que certains textes gouvernementaux sont dépassés et doivent être actualisés, pour permettre de faire sauter les verrous à l’investissement et en clarifiant les procédures sur le terrain. Les multiples contrôles sont parfois pénalisants; l’exemple de la réglementation datant de 1997 concernant l’alimentation dite particulière est parlant de ce point de vue, au moment où le consommateur est demandeur de produits régimes, de produits sans gluten, de produits sans lactose, produits qui sont vendus sans restriction à l’international. Chacun sait que l’alimentation a beaucoup évolué depuis 30. ans et sera amené encore davantage à connaître des mutations multiples, et nous l’espérons bénéfiques pour la santé des consommateurs et pour le respect de l’environnement
Slim Kabbaj
Président de Maroc Bio